Trouble Maker Remix. [Park JiYeon]

Première nuit blanche de ma carrière. De vous à moi, je suis trainee oui, mais gravir les échelons ne m’a jamais causé le moindre souci, en particuliers en ce qui concerne mes passions. La danse et le rap sont mes centres d’intérêt à retenir. C’était d’une évidence, il est vrai, seulement c’est tout ce que vous avez à savoir de ma personne. Revenons au moment présent quand même. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Non pas à cause d’un quelconque stress, ni d’une plausible anxiété. Mon sommeil était bien perturbé, cependant. Insomniaque à ses heures ? Je ne me sens pas visé du tout, je ne me reconnais même pas. Entre un soupir lassé ou un rire narquois, que préférez-vous ? Quelle clémence je fais preuve en vous laissant ainsi le choix. M’enfin bon, je suppose surtout que vous attendez de plus amples explications quant à ma veille nocturne. J’ai dormi une heure et demi précisément, soit trente minutes de moins qu’une idole débutant réellement ambitieuse. Bien sûr, globalement parlant, je tiens à le rajouter si ça peut vous aider à relativiser. Si certains me trouveront excessifs avec ce genre de remarque, sachez qu’ils sont loin du compte. Se plaindre de notre statut de trainee et de notre mise à niveau en cours d’apprentissage ? Je ne me le permettrais pas le moins du monde. Selon moi, nous n’avons qu’un pied posé sur le terrain, le meilleur comme le pire n’a pas commencé encore. Après, c’est à vous de voir quel horizon prennent vos pensées. Je juge ce que j’ai sous les yeux ou ce qui parvient à mes oreilles. Le fait que je partage ce que je constate aux personnes directement concernées fait partie de mon caractère. Libre à vous de vous laisser bercer par l’hypocrisie et les faux-semblants qui a plus de chance de flatter votre égo et de faire enfler vos chevilles plutôt que de vous piquer ne serait-ce qu’un peu. Moi je préfère être franc et honnête, quitte à blesser les plus susceptibles et à les faire sortir de leurs gonds pour enfin recevoir leur crachat - dans le dos ou en pleine face - et adroitement les esquiver. Je manque légèrement de tact, cela va sans dire, je peux me montrer parfois culoté. Les plus réfléchis sauront néanmoins que mon franc-parler est une marque de respect, bien singulière mais elle en reste une. Allez contredire cette évidence si vous êtes en mesure de le faire, sinon taisez-vous et acceptez la critique en silence. Au pire, la reconnaissance est toujours en option, encore faut-il ravaler son orgueil et être capable d’admettre les erreurs commises ou les fautes de jugement. Je ne regrette jamais d’exprimer mon opinion, qui est indéniablement subjective, bien que j’aie tort ou que mes interlocuteurs ne m’écoutent pas et se ferment, ils m’ont du moins entendu et c’est l’essentiel. Qu’ils rejettent mes avis, ça ne regarde qu’eux, au moins c’est dit et ils en sont conscients. Ça évite les méprises ou les faux espoirs, tout dépend de la personne et de la situation. Mais, assez parler de moi. Je vais finir par en dire trop. C’est facile de s’égarer lorsqu’on aborde une personnalité aussi forte intéressante et exceptionnelle que la mienne.

Cela dit, le sujet étant écourté, je peux reprendre là où j’en étais, c’est-à-dire sur la provenance rationnelle de mon insomnie. Pour faire court, la veille au soir un nouveau défi m’a été lancé. Il n’est pas inédit et son efficacité reste à prouver. Je l’ai relevé parce que l’occasion de montrer ce dont je suis capable était incontournable, il fallait la saisir. Former un duo en vue d’interpréter une chanson célèbre sud-coréenne en modifiant la chorégraphie à deux n’est pas une tâche simple. Cette épreuve est juste une étape parmi tant d’autres à accomplir afin de convaincre ou de persuader le jury et le public, la différence dépend de la manière qu’on s’y prend. Puis, je savais le nom de ma partenaire, je n’ai pas eu besoin de méditer là-dessus longtemps. En revanche, le choix de la chanson fut plus délicat. Les propositions étaient réduites à des featurings entre artistes féminins et masculins. J’ai réfléchi toute la nuit et finalement, je me suis mis d’accord avec ma camarade. Ce sera Trouble Maker de la sous-unité mixte composée de deux idoles de la Cube Entertainment portant le même nom que son titre phare. Quant aux pas de danse à remanier, on en discutera le moment venu, et je lui exposerais mes quelques idées. Ah c’est vrai, j’ai omis de vous faire part de qui il s’agissait. Vous le saurez bien assez tôt, rien ne presse.

Le jus multi-fruits est mon allié. Avant de m’élancer en salle de danse, j’en ai bu pas moins d’un litre. Un cachet a suffi à estomper la migraine qui me martelait le crâne. Je suis requinqué sur les coups de dix heures. J’arrive en avance et pénètre dans la salle que j’ai réservée durant quatre heures, déposant mon sac de change sur le banc dans les vestiaires. En attendant que madame se pointe, je ne vais pas perdre mon temps. Occupons-nous bien tant qu’à faire. J’installe et mets en route le poste de radio, laissant défiler la première piste du cd inclus dans l’appareil sans m’y attarder. Une musique de fond en marche et je débute les étirements basiques mais nécessaires. Tout en m’échauffant, j’imagine sa Majesté encadrée par l’embrasure de la porte, en face de ma position, le souffle court et pantelante, s’étant pressée par peur de retarder la séance d’entrainement. Je souris narquoisement à cette pensée, proche de la réalité et qui ferait mauvaise impression. Je suis d’humeur à lui porter la poisse en plus. Sinon, j’apprécie cette fille et je peux prétendre que c’est réciproque. C’est une des rares personnes avec qui je m’entends vraiment bien. Notre relation m’est attrayante, puis elle ne prend pas la mouche pour un oui ou pour un non, elle ne monte pas sur ses grands chevaux, elle rentre d’ailleurs souvent dans le jeu de mes provocations. Rien que pour ça, j’ai de la considération pour elle. J’ai accepté cette sorte de collaboration, vu comme un essai pour ma part, car c’est à risquer à ses côtés.

Après les échauffements, tous mes muscles sont prêts à l’effort physique. JiYeon est entrain de se faire prier, d’ici cinq minutes, elle est en retard. Je repose mon attention sur le poste de radio sur ma gauche, toujours placé au centre de la pièce. Au lieu de rester immobile à patienter, je continue les échauffements, exécutant aisément un appui tendu renversé, enchainant ensuite sur deux rondades d’affilée. Ma seconde figure à peine effectuée, je manque de vaciller mais conserve l’équilibre. Son Altesse est apparue telle une magicienne. Son sourire m’en vole un sur les lèvres. Je feins un air hautain, m’avançant jusqu’à elle après m’être éclairci la gorge.

- C’est à cette heure-ci qu’on arrive ? Deux minutes de retard, c’est inadmissible. Je t’aurai renvoyé si ça n’était pas si important.

Je la toise sans un mot de plus, guettant ses réactions faciales on ne peut plus comiques.

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Je papillonne lentement des yeux, m'extirpant de mon profond sommeil. Je me redresse lentement dans mon lit, me frottant les yeux en bâillant. Je reste quelques secondes ainsi, de sorte à complètement émerger, ayant le sentiment désagréable d'avoir oublié quelque chose d'assez important. Je fronce légèrement les sourcils, prenant mon portable qui siégeait sur la table de nuit, regardant l'heure avant de hausser les épaules. 10H05, tout va bien, je n'ai rien de prévu ce matin. Rien de prévu... Je me fige sur cette pensée, le souvenir du défi d'hier refaisant surface. Je suis censée être à la salle de danse à 10h30, et il me reste seulement une vingtaine de minute pour me préparer. Je me lève de mon lit en soupirant, me dirigeant directement devant mon armoire, troquant mon pyjama pour un bas de jogging et un t-shirt. Une fois changée, je pars vers la salle de bain, me passant de l'eau sur le visage, me coiffant et me maquillant rapidement. Je sors de la salle de bain, prenant mon portable au passage, enfilant mes baskets, sortant ensuite du dortoir en regardant l'heure. 10H30, pour une ou deux minutes de retard, ce n'est pas bien grave. Je prends tranquillement le chemin de la salle de danse, y arrivant assez rapidement, poussant la porte de celle-ci en souriant pour la forme. A vrai dire, je m'attends à ce que SeYong me fasse une remarque sur mon petit retard, ça ne m'étonnerait pas du tout venant de sa part. En parlant de lui, il s'avance vers moi en feignant un air hautain, chose habituelle entre nous, s'éclaircit la gorge, et prend la parole.

- C’est à cette heure-ci qu’on arrive ? Deux minutes de retard, c’est inadmissible. Je t’aurai renvoyé si ça n’était pas si important.

J'arque un sourcil, prenant un air faussement étonné, retenant un ricanement, m'y attendant. Il m'aurait renvoyé pour juste deux petites minutes de retard ? Si ça aurait été vraiment quelque chose de très important, j'aurais été d'accord, mais là, il exagère un peu. D'ailleurs, il faudrait que je pense à vérifier mon réveil, la prochaine fois, il me semblait pourtant l'avoir bien activé, le fourbe. Dans tous les cas, il ne peut pas s'empêcher de faire des remarques dés qu'il en a l'occasion, c'est comme un passe temps pour lui, il se détend comme il peut. Je passe une main dans mes cheveux, prenant un air princier, plantant mon regard dans celui de monsieur.

- Veuillez m'excuser, monsieur l'empereur, mais comme vous le savez si bien, il faut savoir se faire désirer.

Je ponctue ma phrase d'un clin d’œil, le regardant attentivement. Il hausse un sourcil, un sourire complice en coin, et réplique sans attendre.

- La belle affaire.. Surtout une excuse bidon pour justifier ton retard. T'aurais pu trouver mieux, je suis presque déçu là.

Je lève les yeux au ciel, un sourire aux lèvres, m'avançant directement dans la salle, voulant éviter le débat. Si je lui aurais répondu, on aurait pu passé des heures à batailler sur celui qui aurait eu le dernier mot. Or là, nous sommes ici pour répondre à un défi et modifier une chorégraphie, pas pour parler de je ne sais quoi. Une fois au milieu de la salle, je démarre quelques simples échauffements au milieu de la salle, près du poste radio qui diffuse toujours de la musique, réfléchissant déjà aux changements possibles pour la chorégraphie. Je pose mon regard sur Seyong, celui-ci continuant aussi ses échauffements, le questionnant.

- 'Yong, tu as déjà réfléchis pour la chorégraphie ?

Je le fixe du regard, attendant une réponse.

Un court silence s’instaure entre nous. Pas une seule once de surprise ne se lit sur son visage. Elle commence à me connaître, la vicieuse. J’ai toujours pensé que je ne laissais jamais indifférent quiconque aux premiers abords, et avec le temps qui s’écoule à Sunae je remarque que rien n’a changé à ce sujet. Qui sait si mon avis changera un jour à ce propos ? Il est fort probable qu’il reste le même. J’agis naturellement, ce n’est pas de ma faute si je retiens l’attention, que ce soit de ceux qui se fondent dans la masse ou ceux qui se dissocient rapidement également. Heureusement, je marque parfois les esprits en ma faveur. JiYeon peut appuyer ces dires, du moins pour l’instant. Tenons nous-en à la surface de sa nature tout d’abord, on verra la suite plus tard. L’aspect de son véritable caractère se manifeste de lui-même lorsque nous nous retrouvons dans la même pièce et qu’un échange s’entame. Moi aussi, je la découvre progressivement. De ce que j’en ai vu, ce n’est pas une fille désagréable. Par ailleurs, je soutiens son regard, la mettant au défi de me répondre. Le sourcil arqué, elle simule une mine d’outrée. Ses airs de princesse reviennent à la charge. J’y ai pris l’habitude, alors elle ne m’arrache aucun sourire. Que va-t-elle sortir en guise de défense ? Gare à elle si elle ose m’impatienter.

- Veuillez m'excuser, monsieur l'empereur, mais comme vous le savez si bien, il faut savoir se faire désirer.

Son clin d’œil souligne la complicité qui s’est établie, me décochant cette fois un sourire irrépressible. J’aurai pu prédire sa répartie. Enfin, est-il réellement question de répartie finalement ? Je n’en suis pas si sûr. JiYeon n’est pas quelqu’un d’imprévisible, ou plutôt elle ne s’est jamais montrée comme tel face à moi. Facette que moi, je ne me suis pas retenu d’exhiber. Enfin, les trainees que je côtoie ont dû le ressentir, après je ne suis pas dans leur tête. Et puis, qu’importe, je ne m’en soucie guère. Là n’est pas le moment de s’intéresser à des énergumènes. Tandis que mes pupilles captivent les siennes, je ne romps pas l’affrontement oculaire. Renommez cela contact visuel si cela vous chante ; puisque cette manœuvre ne vous éloignera qu’un peu plus de la réalité et, qu’en l’occurrence, je ne serais aucunement atteint par cette vision trouble de ce fait. Elle s’obstine et ne décline pas. Un millième de seconde s’envole, et me voilà à deux centimètres d’elle à peine. J’ai le sourcil haussé, toutefois mon sourire railleur subsiste sur mes lèvres. Inutile de tourner sept fois ma langue dans ma bouche.

- La belle affaire. Surtout une excuse bidon pour justifier ton retard. T’aurais pu trouver mieux, je suis presque déçu là.

Étrangement, son sourire ne disparait pas. Le mien demeure cependant plus contrariant et combattant. Sa réaction l’illustre pleinement. Elle coupe l’échange, m’offrant une première victoire. La seconde est proche. Je souris de plus belle en la voyant lever les yeux au ciel. Elle n’est pas au bout de ses surprises avec moi. Ou de ses soupirs, qui sait. Que ce soit l’un ou l’autre, je remporterais quelque chose. Tout simplement. Comme je le prédisais, elle déclare forfait et me laisse le dernier mot. C’était presque trop facile. Me réjouir de ça serait puéril et sans intérêt. Je vais me contenter de noter le point dans un coin de ma tête, sans pour autant le crier sur tous les toits. Aujourd’hui, nous avons mieux à faire. JiYeon semble vouloir me le rappeler, sauf que je n’ai nullement oublié ce pour quoi nous sommes ici à cette heure. Je lui lance un bref regard avant de revenir au poste de radio. La musique d’ambiance tourne toujours. Je me remets en condition, terminant mes étirements méticuleusement. Je me relève d’un grand écart, sentant un regard insistant peser sur mon dos. Parle, je ne vais pas te mordre.

La question porte sur la chorégraphie. Le challenge débute dès à présent. Une fois la musique achevée et la lecture du disque mise sur pause, je me retourne vers elle, puis la rejoint à bonne hauteur. Trouble Maker. D’entrée de jeu, nous savons le concept dominant à employer. Les instructions ont été claires. On doit jouer la carte de la sensualité, mais écarter le risque d’une polémique ou des opinions subversives par rapport à cette chorégraphie. En d’autres termes, éliminer tout ce qui se réfère à la provocation. C’est la difficulté majeure de cette épreuve en binôme. Je la dévisage quelques secondes, le sourire insoutenable et immuable en coin de mes lèvres.

- T’as pas oublié les consignes énoncées la veille, j’espère ? ‘Yeon pourrait se révéler tête en l’air.

Je n’en rate pas une pour la taquiner, fidèle à moi-même. Elle tique sur le coup, et moi je ne lui laisse pas le temps de rétorquer.

- Ceci dit, ça ne m’étonnerait pas de toi. Fort heureusement, je suis là et j’ai déjà quelques idées en effet. Admire mon acuité d’esprit.

Je tourne les talons illico-presto, n’écoutant pas sa réponse volontairement, et m’éclipse dans les vestiaires jouxtant la salle de danse. In extremis, je parviens à mon sac de changes et extirpe de son fond une pochette rouge transparente. Je veille à tout raccommoder, avant de ressortir et de lui présenter mes suggestions sous forme de croquis sur une feuille. Je l’invite à s’asseoir sur le banc à mes côtés, lui tendant directement ce qui va nous servir de point de départ. En premier lieu, j’ai divisé la chanson en trois parties. Les premières notes jusqu’au rap de HyunA, d’une. Du deuxième couplet de HyunSeung à la partie instrumentale, de deux. Et de trois avec l’ultime refrain qui s’ensuit et qui clôture la chanson. Je me penche légèrement vers elle afin de lui expliquer en détails notre position initiale qui défilera en fonction de l’espace évalué qu’on aura. Elle parait attentive et réceptive, donc je ne laisse rien de côté, m’assurant que tout lui soit compréhensible. Pour finir, je me réinstalle correctement, dos calé contre le mur que longe notre banc et lui intime d’un regard d’exprimer son verdict sur ma tactique, en ajoutant son grain de sel bien évidemment.

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